lundi 31 janvier 2011

Safi "Little Morocco" culturel



Safi et son interland constituent, à mon sens, pour les initiés, un "Little Morocco" culturel diversifié. Ainsi le substrat de Safi est-il la résultante de plusieurs affluents qui vont être décrits ci-dessus.

L’élément européen

Au port de Safi, qui peut à lui seul, raconter l’histoire de la ville, le visiteur sera étonné de constater la terminologie en vigueur chez les marins pêcheurs : une suite de mots espagnols sertis d’expressions cosmopolites. Le vieux parler safiot est toujours riche en terme d’origine espagnole. Le même visiteur ne se manquera pas de s’émerveiller à la vue du majestueux château de mer, chef-d’œuvre de l’architecture militaire lusitanienne du XVI ème siècle.

L’élément sépharade

Une communauté juive assez réduite de nos jours mais autrefois fort nombreuse. L’importance de la présence juive, antérieure à l’avènement de l’islam, selon certains historiens demeure palpable dans le mausolée Ouled Ben Zmirou avec son moussem annuel et avec les recettes succulentes d’une cuisine fort appréciée. Cette présence commence à être revisitée : travaux de l’historien Brahim Kredya ou l’oeuvre de fiction du romancier safiot Hassan Riad intitulée : "Parchemins Hébraïques".

L’élément subsaharien

Les liens de Safi avec les pays du "SOUDANE" se sont avérés depuis que la ville fut le port de Marrakech, capitale de plusieurs dynasties. Aussi la présence d’une culture Gnaoua avec ses "lilas" et ses rites fait partie intégrante de la culture safiote. Cet aspect culturel longtemps snobé, par rapport à un passé lié à l’esclavage, commence à être réinventé. Un roman est ainsi en cours de préparation sous le titre : "Le dernier des Gnaoua, pérégrinations du maître Samba".

L’élément andalou

Plusieurs familles originaires d’Andalousie sont venues s’installer, le plus souvent via Fès, à Safi. De nos jours en sus de la gastronomie réputée nous sommes redevables du legs d’une musique raffinée. Rares sont les marocains qui n’ont pas été envoûtés par les "Mawal" de Bajedoub. En outre les familles andalouses ont largement contribué à l’essor de la poterie et de la céramique de Safi.

L’élément amazigh

Certes l’arabe dialectal safiot est, en général, celui du littoral atlantique arabophone. Cependant, c’est dans la matrice linguistique que la présence amazigh est la plus "audible". Ainsi, d’après une étude de M. Abderrahim Lataoui portant comme titre "Ichtionymie", il ressort que les noms de plusieurs poissons de Safi sont en berbère, par exemple "Amùn" (Daurade royale) …au-delà de cette ligne verte linguistique le même poisson sera en arabe (El Farkh).

L’élément arabo-musulman

Elément essentiel, depuis Okba Ibnou Nafie, qui d’après une légende consacrée, a foulé les plages de cette mer en la regrettant en tant qu’obstacle l’empêchant de porter le message de l’islam plus loin. Le second personnage est sans doute le cheikh Mohammed Saleh qui organisa un système d’hôtellerie de Safi jusqu’aux lieux saints de l’Islam. L’exode prémédité par les Fatimides d’Ifriqiya (Tunisie), des tribus arabes a scellé définitivement l’arabisation de la région. Les plaines de Abda lesquelles étaient une partie de la confédération des Doukkala offrent dans le parler de ses habitants, matière à des études linguistiques diverses : à titre d’exemple, la bâtisse où habite quelqu’un de la plaine sera en pisé ou en béton armé et portera le vocable Khaima (tente) et s’intégrera dans un Douar (cercle) autour d’un feu protecteur symbolique. Seraient les traces d’un nomadisme atavique ? 
Enfin le côté musical de cet élément demeure vivace avec cette musique qualifiée d’extra-muros : la Aîta (appel) que la saga du Caïd Aissa Ben Omar a rendue célèbre avec le personnage du Chikha Kharboucha, un laideron au verbe puissant haranguant les Ouled Zid contre le despotisme du fameux Caïd jusqu’à leurs extermination à la Zapata en 1922 : "Aam Errafassa" (l’année de la bousculade) sous les remparts de la ville. Pour la Aita, il est nécessaire de rendre ici hommage à un homme qui a consacré sa vie à la recherche dans ce domaine de la culture populaire, feu Mohammed Bouhmid.
En somme, Safi par son histoire et sa culture offre au Maroc un exemple unique de convivialité et d’harmonie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire